Le apprentis putschistes antisémites du Lys Noir «se payent Soral»
dans le dernier numéro de leur revue étudiante (AFU4) :
Soral : le dernier intellectuel de gauche.
Alain Soral est anthropologiquement le dernier intellectuel
de gauche... Comme eux, il a un avis sur tout. Comme eux, il n’a aucune
spécialité à proprement parler, comme beaucoup d’entre eux, il a eu un parcours
de jeunesse aux confins du cinéma, comme eux il a une vision universelle,
réconciliatrice et fraternelle pour le
genre humain des damnés, sauf avec les
juifs «mais ça c’est peu de chose»... Comme eux, il a écrit quelques livres et
il a plusieurs fois changé de genre : tantôt sociologue, tantôt géopoliticien,
tantôt simple narrateur de lui-même ; comme les grands intellectuels de gauche
de jadis, il est quelqu’un que l’on vient voir et auquel on demande son avis alors
que l’on sait par avance qu’il dira des bêtises, comme eux, dès qu’il est tracassé, il peut parler de dictature et de
totalitarisme, comme eux il n’a pas son pareil pour habiter les idées des
autres, comme eux il aime être reçu à
l’étranger pour s’y plaindre de la France,
comme eux, il est souvent tenté par le militantisme politique, comme eux, il n’insiste
jamais beaucoup là-dedans... Comme eux, il a des supporters même chez les petites gens, comme eux, il est
reconnu dans la rue et les ministres
parlent publiquement de lui... Aucun
doute, Soral est bien le dernier intellectuel de gauche !
Soral : contrepoints à l’unisson
Dialogues désaccordés / Combat de blancs dans un tunnel…
serait-ce le titre du second drame posthume
qu’aurait écrit Bernard-Marie Koltès pour que Jacqueline Maillan apporte au
théâtre prétentiard l’âpre énergie du boulevard - et dont on viendrait de
retrouver le manuscrit dans les papiers de feu Patrice Chéreau ? non : c’est
celui donné au volume regroupant la correspondance informatique entre le
président d’Egalité & Réconciliation et Naulleau, le directeur de la maison
d’édition L’Esprit des Péninsules. Franck Spengler, éditeur du premier, a réuni
ces deux solitaires intempestifs au nom d’une tradition bien française, celle
de la conversation. Au fond, Eric Naulleau n’a rien d’un salonnard, voilà
pourquoi il a chevaleresquement relevé le gant, car telle proposition se
présentait bien comme un défi. Oui, un défi : nous ne doutions pas qu’Eric
Naulleau - lecteur enthousiaste de Céline, victime du sycophante Haziza - fût
homme de coeur et de parole ; restait à savoir s’il irait jusqu’au bout de sa
logique, ou plutôt de son amour - pour la liberté d’expression, qui lui tient lieu
d’absolu. Eh ! bien, sans se révéler un libéral conséquent - celui qui pense (
à bon droit ) que ses adversaires ont raison - le comparse d’Eric Zemmour n’a
pas invoqué d’interdit moral, sincèrement convaincu que de la confrontation jaillit
la lumière où se dissolvent fantômes et vampires. Aussi, c’est à une dispute
virile qu’on assiste, non seulement au sens où les lutteurs ne se ménagent point, mais en sus parce
qu’aucun des duellistes ne se réfugie derrière des susceptibilités de femmelin
à la première difficulté rhétorique. Malgré les dénégations de certain, à
défaut d’un happy end, l’ouvrage se
conclut sur une communion de sensibilité, même d’analyse - et, s’il vous plaît
- au niveau de la géopolitique internationale : la belle phrase de Proust sur
l’amitié, moins affaire de conformité des opinions que de consanguinité des esprits,
trouvait enfin ici une illustration contemporaine. A tel point que la joie
d’Anne Rosenberg-Sinclair-ci-devant-Levaï-ex-Strauss-Khan, dont le capital
pictural venait pourtant de s’élargir après la saisie d’un Matisse en
Allemagne, s’en trouva gâchée. Le débat pour le débat, idéal creux de l’esprit
libéral-démocrate, n’aurait pas de sens et c’est parce que l ’ a f f r o n t e
m e n t Soral/Naulleau présente un résultat que Pierre Moscovici n’a pas manqué de menacer le second à mots
couverts sur le plateau de Thierry Ardisson, lui enseignant qu’ « on ne
dialogue pas impunément avec ce genre de personnages »… dans le halo des
projecteurs l’ombre de la matraque vallsienne déjà se profilait. Au fait, qui a
tort ou raison dans l’histoire ? résumons-nous
: le monde moderne, au contraire du programme de Matrix, est une horreur bien
plus réelle que virtuelle car nous n’y sommes pas tous encore programmeurs dans le bureau d’une
transnationale… il demeure pour autant indéchiffrable : impossible d’en avoir
une vue synoptique sans sombrer dans la démence, nécessaire de n’en saisir qu’une part pour fournir une critique efficiente.
Alain Soral, qui n’est ni Canterville ni Dracula, qui ne lit plus de romans depuis
des années - sacrifiant à l’urgence du combat une ressource essentielle de la
pensée française – évoque bien cette objectivité relative de « la conscience du
point de vue » : il a retenu la part politico-philosophique ; Naulleau, la part
littéraire. C’est la passion du sport, à la fois secondaire et déterminante
chez l’un et l’autre, qui aura servi de passerelle entre deux esprits, donnant
sa métaphore à leur commune dialectique… si bien que pareil échange, entre un
type caractériel sur les bords et un mec bravement simplet, ressemble à la
série d’objections que se ferait intérieurement l’honnête homme ancien. Comme
nous tous, arrivés au stade terminal de l’aliénation libéral-capitaliste, Soral
et Naulleau sont des mutants. Aragon dépeint dans Les Beaux Quartiers ces hommes
doubles d’avant 1914 qui, ne pouvant résoudre leur schizophrénie sociale, vont
se précipiter dans la dissolution des tranchées. Ceux d’après 1945 sont des
amputés auxquels les athlètes de handisport, les surfemmes qui veulent aller
aux putes, les sodomites enceints - en tant qu’hommes augmentés, servent de double
monstrueux. L’éréthisme soraliste et la frivolité naullelienne conjugués
permettent au lecteur contemporain, moyen, normal, perdu dans le chaos de la
décadence, de converser avec le Français total d’après la Révolution
conservatrice. Dédié à Paul Gadenne & Dieudonné M’Bala M’Bala, ce livre est
une promesse de l’unité française retrouvée, de sa civilisation, de sa société
monoculturelle. Dans cette France cohérente, harmonieuse, unanime, il sera
possible de rencontrer à nouveau des Pic de la Mirandole, des Erasme et des
Rabelais.
Tristan Levasseur
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